Frustration et colère : les expressions du mal-être masculin

Partie 1 : De la virilité à l’intolérance à la frustration

Beaucoup d’hommes donnent l’impression de ne pas souffrir car ils n’expriment jamais de tristesse, de peur ou de remise en question. Bien souvent, une forme de souffrance est en fait omniprésente dans leur vie mais rarement perçue comme telle. Il s’agit du sentiment de frustration. En effet, beaucoup d’hommes possèdent une véritable vulnérabilité psychique : l’intolérance à la frustration. Ils sont constamment frustrés et l’expriment au travers de colères récurrentes. Ils n’ont bien souvent pas conscience de ce mal être et rejettent la responsabilité de leurs frustrations sur des causes externes.

Paradoxalement, en valorisant la force pour endurcir les hommes, l’idéal viril les rend intolérants à la frustration, donc particulièrement sensible et psychiquement plus fragiles.

Ce mal-être masculin est également source de beaucoup de violences et de comportements toxiques pour les hommes comme pour leurs proches. Je vais détailler ce sujet dans une série de posts, en commençant aujourd’hui par l’origine de cette intolérance à la frustration présente chez beaucoup d’hommes.

La frustration ?

Pour commencer, qu’est-ce que la frustration ?

La frustration correspond au sentiment d’avoir été privé d’un bien ou d’une satisfaction que l’on pensait obtenir. Plus notre désir est fort et plus nous sommes persuadés de sa future satisfaction, plus intense sera la frustration de ce désir. La colère est la réaction spontanée afin de lutter contre la cause de cette frustration (personnes, évènements, idéologies, objets). Enfin, plus notre frustration nous parait injuste, plus elle sera intense et plus forte sera notre colère.

Nous allons à présent voir comment les injonctions à la virilité favorisent l’intolérance à la frustration.

Un homme ne devrait jamais être frustré

Tout d’abord, le modèle viril inculque aux hommes qu’ils sont supérieurs et dominants, et si ce n’est pas le cas qu’ils se doivent de le devenir. Cela renforce leur désir compétitif et les persuade qu’ils arriveront à surpasser les autres. Malheureusement, cela les amène à avoir d’autant plus honte en situation d’infériorité et d’échec, les condamnant à une vie de déception et de frustration.

En faisant croire aux hommes qu’ils pourront obtenir ce qu’ils désirent, ils vivront beaucoup de leurs échecs comme anormaux.  Pour s’expliquer leurs échecs, ils pourront rejeter la faute sur les autres ou se juger inférieurs. Bien souvent ils oscilleront entre les deux. Ils alterneront entre sentiment d’injustice et de persécution et sentiment de honte et d’infériorité.

Un homme frustré est un homme faible

De plus, la virilité amène les hommes à survaloriser la force et à particulièrement dévaloriser la faiblesse et l’impuissance. De ce fait, en plus d’être privés d’une satisfaction, ils vivront chaque frustration comme une impuissance honteuse face à une autre personne ou face à l’environnement (évènement, idéologie, objet). La frustration sera pour eux une double peine d’autant plus douloureuse. Paradoxalement, plus l’on valorise la force plus l’on devient donc intolérant et hypersensible à la frustration. Non seulement les frustrations sont plus intenses mais notre seuil de tolérance est abaissé. De ce fait, beaucoup plus de comportements d’autrui généreront de la frustration. Cela explique pourquoi l’on remarque une plus grande susceptibilité et irritabilité chez les hommes. En ce sens, face à certains vécus les hommes sont plus vulnérables et sensibles.

L’éducation virile blesse et fragilise les hommes

Enfin, voulant endurcir les jeunes garçons, l’éducation virile peut amener les adultes à répondre durement à la tristesse ou la peur des garçons. La violence physique est également parfois vue comme un moyen de les aguerrir.

Autrement dit, on leur ordonne d’être forts tout en les faisant se sentir faibles et honteux. Ce mélange est particulièrement destructeur. Nous avons déjà vu que l’injonction à la force rend intolérant à la frustration, mais l’expérience de la faiblesse et de la violence d’autrui y participe aussi.

En effet, comme les blessures physiques, ces blessures affectives précoces ne vont pas les endurcir mais leur causer, au contraire, des dommages profonds fragilisant leur psychisme. Comme un coup sur une ancienne blessure, plus un homme vivra l’expérience de la faiblesse plus il y deviendra intolérant. Autrement dit, il lui deviendra insupportable de se sentir à nouveau frustré et dominé par autrui.

D’autant que plus il aura connu la violence, plus il se méfiera d’autrui et pensera que les frustrations qu’on lui inflige ne sont pas justifiées. Il les vivra comme injustes ce qui renforcera encore l’intensité de sa frustration.

A tort, la colère des hommes est souvent perçue comme une preuve de leur force. Or, elle témoigne de leur nécessité à se défendre. Sa présence prouve au contraire que les hommes sont particulièrement vulnérables. Ils doivent constamment user d’une colère protectrice, car la moindre remise en cause leur est insupportable et risque de les briser. Leur agressivité est finalement celle d’une bête blessée et craintive.

Conclusion

La virilité et ses injonctions structurent donc le psychisme des hommes, les condamnant à être plus sensibles à la frustration. Malheureusement, en valorisant l’expression de la colère et le fait de « ne pas se laisser faire », la virilité favorise également leurs réactions agressives face à la frustration.

L’une des sources principales de la violence masculine provient donc de l’intolérance à la frustration des hommes due aux effets du modèle viril sur leurs psychismes. Lors de prochains posts j’expliciterai plus en détail les effets concrets et toxiques de cette intolérance à la frustration. 

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