La Violence conjugale : pourquoi dominer l’être aimer ?

Dans le précédent post, nous avons vu en quoi les injonctions à la virilité favorisent la vulnérabilité affective des hommes et leur violence dans la relation. Je vais à présent détailler pourquoi leurs insécurités et leurs violences sont encore plus intenses au sein des relations amoureuses de couple. Je détaillerai les spécificités liées au couple hétérosexuel dans un autre post.

Dominer pour ne pas se sentir vulnérable

Dans nos sociétés, la relation amoureuse est l’une des relations les plus importantes en particulier la relation de couple qui fait reposer d’immenses enjeux (affectifs, identitaires, matériels) sur une seule personne. Cette individu devient souvent un véritable « partenaire de vie », certains la considérant même comme une « moitié ». Une certaine dépendance à l’autre adviendra donc inévitablement. Par ailleurs, s’attacher induit nécessairement de prendre le risque du rejet et de la déception. S’attacher donne à autrui un pouvoir sur nous qui peut être effrayant. Selon l’insécurité affective de chaque personne, la relation de couple peut donc générer des angoisses plus ou moins intenses qui s’exprimeront de manière différente (jalousie, peur de l’abandon, soumission, violence, etc.).

Pour les hommes qui ont fortement intériorisé les normes viriles, ce sentiment de dépendance et cette crainte du rejet inhérents au couple sont ressentis comme des vulnérabilités angoissantes et honteuses. Ils vivent alors l’attachement et l’amour comme des faiblesses dangereuses. Dans leurs couples, ces hommes seront envahis d’angoisses souvent inconscientes créant chez eux une jalousie intense et des conduites de domination. En usant de violence ils tenteront de compenser leur sentiment de vulnérabilité en retrouvant une impression de contrôle rassurante. D’une certaine manière, plus ces hommes seront attachés et dépendants affectivement de leur partenaire, plus ils pourront ressentir ce besoin de dominer la relation.

Dominer pour limiter les frustrations

Plus la relation comporte des enjeux affectifs et identitaires forts, plus les émotions provoquées sont intenses. Au vu de l’importance des relations de couple, les déceptions provenant des comportements de notre partenaire pourront donc générer des souffrances affectives très intenses.

Comme nous l’avons vu dans le précédent post, pour beaucoup d’hommes, la frustration de leur désir par autrui est particulièrement humiliante et insupportable. Pour eux, à la souffrance d’être déçu par leur partenaire s’ajoutera donc ce sentiment de frustration et d’humiliation. Ils ressentiront une importante colère visant à contraindre leur partenaire à réparer sa « faute » cause de leur frustration. Afin d’éviter cette frustration, ils vont constamment tenter de contrôler l’autre et de lui imposer leur désir. L’amour égalitaire est pour eux trop angoissant car cela laisse à l’autre le pouvoir d’être en désaccord et de les frustrer.

De plus, les injonctions à la virilité rendent honteux d’exprimer ses besoins et sa souffrance. Ces hommes accumulent donc une grande frustration de leur besoin affectif, ce qui alimente leur colère et leur rancœur. Ils vont alors tenter de contraindre l’autre à combler leur désir et leur besoin affectif. Comme s’ils étaient, plus ou moins consciemment, violents pour obliger l’autre à plus les aimer, les désirer, à être plus gentil, plus fidèle, plus attentif etc. Cependant, même si leur partenaire se soumet à eux, ils sont tout de même frustrés car leur idéal serait que l’autre épouse spontanément leur désir par amour et non par crainte. Dans tous les cas de figure, ces hommes seront donc déçus de leur relation par rapport à l’idéal sociétal qu’ils avaient intériorisé. Cette désillusion rajoute une frustration profonde source de rancœur vis-à-vis de leur partenaire.

Dominer pour ne pas être rejeté

Pour de nombreux hommes, la déception et la frustration causées par leur partenaire génèrent donc des sentiments particulièrement intenses et sources de violence. Malheureusement, une sensation universellement vécue comme extrêmement douloureuse sera alors exacerbée de manière effroyable chez ces hommes. Cette sensation c’est le rejet par l’être aimé.

Là encore, à la souffrance déjà destructrice du rejet, s’ajoutera pour ces hommes un sentiment d’impuissance et d’humiliation insupportable.  Pour eux, se sentir rejetés sera vécu comme un cataclysme émotionnel et identitaire extrêmement douloureux et humiliant.

Dès qu’ils commencent à douter de l’amour de l’autre, beaucoup d’hommes vont tenter d’éviter le rejet en rejetant violemment la personne. Ils vont rejeter pour ne pas être rejetés. À l’inverse, ils peuvent aussi tout faire pour empêcher le départ de leur partenaire quitte à user d’intimidation, de chantage au suicide, de violence économique, administrative, physique, etc. Cependant, leur violence renforcera le rejet et le désamour de l’autre. Conscients de cela mais démunis et terrorisés, ils oscilleront entre violence et posture de soumission et d’excuse afin de faire rester leur partenaire.

Malheureusement, pour les hommes les plus insécure affectivement ayant une forte dépendance à leur partenaire, le rejet sera vécu comme un anéantissement effroyable. La tempête émotionnelle qu’il provoquera sera totalement incontrôlable et pourra les pousser à des actes tragiques de meurtre du partenaire, parfois accompagnés d’un suicide afin de mettre fin à leur souffrance.

Dominer pour ne pas être frustré sexuellement

Comme l’attachement et le désir affectif, le désir sexuel implique un sentiment de dépendance à l’autre, de risque de rejet, de frustration et donc de vulnérabilité. Les réactions émotionnelles et comportementales précédemment décrites chez certains hommes seront donc similaires dans leur sexualité.

Pour ces hommes, le fait que leur satisfaction sexuelle dépende du désir de l’autre sera insupportable car cela donne à leur partenaire un pouvoir de frustration qui les terrifie. Pour empêcher que l’autre puisse les frustrer sexuellement, ils vont donc également user de moyens de domination.

Par l’insistance, le chantage, la culpabilisation, l’intimidation, ils vont tenter d’imposer leur désir sexuel tout en conservant l’illusion d’un consentement de leur partenaire et ainsi le sentiment d’être désiré.

Si jamais leur partenaire refuse toujours de satisfaire leur désir, le sentiment d’être rejeté et non désiré les humiliera et fera exploser leur frustration. Ils ressentiront de la rage pouvant les amener à user de violence physique afin de violer leur partenaire pour faire cesser leur sentiment de frustration humiliant.

L’amour égalitaire : un sport trop violent pour les hommes ?

En les rendant hypersensible à la frustration la virilité favorise donc l’incapacité des hommes à supporter la vulnérabilité que l’amour implique. Certains hommes vivent les relations amoureuses comme des espaces angoissants où la frustration les guette constamment. Ils sont trop « fragiles » pour nouer des relations affectives et sexuelles égalitaires. Dominer ceux qu’ils aiment devient alors leur tentative tragique d’accéder à l’amour sans se sentir trop vulnérables.

D’une certaine manière, la virilité les rend inaptes à l’amour sain. Or l’amour ne se trouve pas uniquement au sein du couple. Ces constats et la violence qui en résulte valent donc malheureusement dans toutes les relations affectives de ces hommes, notamment auprès de leurs enfants dont l’éducation peut leur procurer beaucoup de frustrations.

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