La vulnérabilité affective : source cachée de la violence masculine

Dans le précédent post, nous avons vu comment les injonctions à la virilité accentuent l’intolérance à la frustration chez les hommes. Je vais maintenant développer comment cette intolérance à la frustration favorise la vulnérabilité affective des hommes, qui est l’une des principales sources de leur violence.

La frustration par autrui : une humiliation insupportable

Pour beaucoup d’hommes, être frustré par autrui est la pire des frustrations. Elle est associée à un sentiment d’infériorité humiliant au regard de leurs valeurs virilistes. Ce vécu sera d’autant plus intense face à des personnes avec lesquelles ils se sentent en compétition ou ceux qu’ils jugent devoir et pouvoir dominer aisément (femmes, enfants, hommes « faibles »).

Dans leurs relations, si ces hommes ne parviennent pas à imposer leur désir, ils éprouvent donc ce sentiment de frustration et d’infériorité humiliant. Pour eux, renoncer à son désir est alors perçu comme une forme de soumission. Même le compromis et le fait de changer d’avis sont considérés comme des signes de faiblesse. A l’inverse, ne jamais céder sur son désir et ne jamais être contraint sont pour eux des preuves de force.

On peut ainsi comprendre le problème de nombreux hommes avec le consentement. Devoir abandonner leur désir par respect du consentement d’autrui peut générer en eux un sentiment de soumission particulièrement frustrant et source d’agressivité envers la personne non consentante.

Par ailleurs, remettre en question leurs comportements et prendre en compte l’autre peuvent également être considérés comme des faiblesses honteuses pour ces hommes. Ils sont souvent particulièrement égoïstes, auto-centrés et pratiquement incapables de changer et d’apprendre de leurs erreurs. Cette incapacité à évoluer est dramatique pour eux et pour leur entourage.

La relation : le lieu d’une grande vulnérabilité affective masculine

Pour ces hommes, toute volonté d’autrui en contradiction ou différente de la leur est perçue comme un risque de frustration insupportable. Pour eux, le désir de l’autre devient une menace.

Or, par essence, la relation implique la présence du désir de l’autre. Dans nos relations, les désirs de chacun s’entrechoquent et génèrent de nombreuses frustrations qu’il faut savoir gérer.

Si le désir de l’autre est vécu par beaucoup d’hommes comme une menace, on comprend donc que la relation devient pour eux le lieu d’une grande insécurité. Sans forcément le conscientiser, ils se sentent constamment blessés affectivement et rabaissés dans leur estime d’eux même. Ils sont alors régulièrement envahis par des émotions défensives telles que la colère, la jalousie et l’angoisse, les poussant à réagir et à juger légitime leur défense.

C’est en ce sens qu’on peut parler chez eux d’une grande vulnérabilité affective provenant des injonctions à la virilité. Cette insécurité est encore plus intense dans la relation de couple où s’ajoute la peur du rejet et d’importants enjeux affectifs et identitaires. (Je développerai cela dans un prochain post.)

Dominer pour se protéger

Cette vulnérabilité affective est l’une des causes principales de la violence masculine. En effet, ces hommes vont malheureusement tenter d’échapper à leurs angoisses relationnelles en imposant leurs désirs, quitte à user de violence. Pour eux, le désir de l’autre devient une menace à contrôler et la relation un rapport de force incessant. Ils vont tout faire pour dominer autrui afin de contrôler la relation et imposer leur désir. Ainsi, ils se protègent de toute frustration possible.

Mais malgré leur tentative de domination, leur sensibilité est telle que l’autre finira forcément par les frustrer. Ils auront le sentiment de subir constamment des micro-agressions qu’ils nomment manque de respect. Ne pas y réagir leur fera ressentir un sentiment d’infériorité humiliant. Ils éprouveront alors une rage irrépressible les obligeant à inverser les rôles par la vengeance et ainsi rétablir leur sentiment de supériorité qu’ils nomment souvent honneur.

Lorsque personne ne peut tolérer de laisser l’autre en position de domination, chacun surenchérit alors jusqu’à atteindre un point de non-retour. Cela engendre un cercle vicieux dans les interactions, entraînant une escalade inévitable du conflit. C’est le fameux conflit qui commence par un simple « mauvais regard » et qui finit très violement. Ces hommes sont donc particulièrement doués pour se faire des ennemis et se retrouver constamment impliqués dans de nombreux conflits.

De plus, éprouvant un plaisir addictif dans la domination, ils peuvent trouver un bénéfice secondaire à leur sentiment d’être constamment agressés. En effet, ils auront ainsi des « ennemis » à pouvoir dominer sans culpabilité.

Conclusion

Les injonctions à la virilité handicapent donc de nombreux hommes dans leurs capacités relationnelles et affectives, les condamnant à nouer des relations toxiques basées sur la domination. Ils n’ont que deux possibilités entre lesquelles ils oscillent : utiliser la violence au risque de la culpabilité et du rejet, ou bien se sentir faibles et inférieurs. Leur seule échappatoire serait de prendre conscience de leurs problèmes et d’effectuer un long travail de remise en question.

Malheureusement, ces hommes n’ont souvent pas conscience de ce qui se joue réellement en eux. Ils se sentent victimes mais l’attribuent au comportement de l’autre. Ils ne réalisent pas leur intolérance presque pathologique à la frustration, qui engendre des exigences irréalistes vis-à-vis d’autrui. Cette impossible prise de conscience provient également des injonctions à la virilité qui les coupent de leurs émotions et leur rendent honteuse toute remise en question.

La virilité les rend donc également incapables de comprendre leurs problèmes, faisant d’eux leur propre geôlier. Ainsi, beaucoup d’hommes sont pris au piège et condamnés à une vie de lutte contre les autres où règnent les sentiments d’injustice, de persécution et de frustration.

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