La virilité : un piège destructeur pour l’humanité

Comme l’explique notamment Lucile Peytavin dans son ouvrage «Le coût de la virilité», les statistiques montrent que les différentes formes de violences et d’infractions sont commises souvent à plus de 80% par des hommes. Par ses injonctions, la virilité semble structurer le psychisme masculin et donc être indirectement responsable d’une importante partie de la violence de ce monde (guerres, violences faites aux femmes, violences policières, incestes, destruction de la nature, violences économiques, délinquances, etc.).

Remettre en cause les valeurs viriles et valoriser la bienveillance semble donc être un combat urgent pour construire des sociétés capables d’affronter les crises actuelles et futures.

Mais afin de dépasser une opposition clivante et peu constructive entre homme\femme et masculin\féminin, il apparaît primordial de centrer le débat sur les causes précises de la violence masculine. Autrement dit, prendre pour objet de lutte les valeurs centrales du virilisme, qu’elles soient promulguées par des hommes, des femmes ou bien des normes culturelles.

Au cœur de la virilité se trouve la valorisation de la force dans le sens d’un pouvoir de domination, c’est à dire d’un pouvoir de contrainte sur son environnement et donc sur autrui. Recentrer le débat sur cette valorisation culturelle de la force semble fondamental car elle est la source principale de la violence masculine.

La valorisation de la force aux origines de la violence masculine

En valorisant la force, la virilité conditionne l’estime de soi des hommes à leur sentiment d’être en capacité de dominer l’autre et à ce que cela soit reconnu par autrui. De ce fait, ils vont vivre toute frustration comme une impuissance à imposer leur volonté au monde et donc une désillusion identitaire douloureuse. Cela engendre une intolérance à la faiblesse et à la frustration majorée chez les hommes, qui explique en partie leur accès de colère à l’origine d’un grand nombre de violences.

Par ailleurs, en valorisant la force, la domination d’autrui va rassurer les hommes sur leur force et donc leur faire ressentir un plaisir identitaire. De ce fait, ils vont chercher plus ou moins consciemment à dominer autrui en trouvant des « ennemis » à soumettre sans culpabilité.

En rendant intolérant à la frustration et en faisant émerger un plaisir dans la domination, la valorisation de la force favorise donc la violence, l’agressivité et les rapports de force. Centrale au sein de l’idéal de virilité, cette valeur semble l’origine de la grande violence masculine. De plus, la faiblesse étant inhérente à la condition humaine, la refuser engendre une vie de frustration, de honte et de colères perpétuelles. Cela fonde le mal-être masculin souvent à l’origine de leur violence.

Mais si elle est dangereuse pour les hommes eux-mêmes, d’où provient cette valorisation sociale de la force au travers de l’idéal viril ?

La virilité, un idéal anachronique et destructeur

Comme toute valeur, la valorisation de la force émerge d’une croyance qui lui donne sa pertinence. En l’occurrence, la force est une capacité de survie spontanément valorisée par l’humain lorsque qu’il développe la croyance qu’autrui est dangereux. Cela peut notamment provenir d’une exposition à de la violence dans notre enfance.

Cette méfiance en l’autre forme chez les individus une vision d’un monde hostile où règne la loi du plus fort, et où il faut se battre pour survivre.

On pourrait considérer cela comme une idéologie de la loi du plus fort (« Forcisme ») opposée à l’humanisme. Cette opposition, à l’origine de nombreux débats et désaccords, repose donc principalement sur la confiance que l’on porte en l’humain.

La croyance en cette idéologie se trouve être un facteur commun à la grande majorité des personnes ayant des comportements perçus comme égoïstes. Selon elles, la bienveillance et la confiance est un luxe dangereux réservé à leurs proches. Cette perception de la vie tout à fait compréhensible explique aussi les politiques sécuritaires et nationalistes. Le danger de cette idéologie est qu’elle possède, comme toute croyance, une force autoréalisatrice. En l’occurrence, se méfier de quelqu’un est le meilleur moyen de le rendre réellement hostile à notre égard et de construire le monde dangereux dans lequel nous pensions vivre.

Historiquement, la valorisation de la force au sein de l’idéal viril provient sans doute de cette nécessité de survivre dans un environnement hostile. De ce fait, les « virilistes » continuent de légitimer l’idéal viril en défendant cette perception d’un monde dangereux où la force est fondamentale. Mais le monde ayant profondément évolué, c’est en grande partie par tradition et norme sociale que l’idéal viril s’est perpétué et continue d’être le modèle de masculinité valorisé. En ce sens, on peut considérer que l’idéal viril est devenu anachronique. Désormais, les hommes ne désirent plus être forts pour survivre, mais pour séduire. Il cherche simplement à se conformer à l’idéal social afin d’obtenir la reconnaissance d’autrui. Il leur est donc primordial d’exposer leur force aux yeux de tous, au travers d’actes de domination.

Autrement dit, alors que le désir de force, la violence et l’égoïsme émergent normalement pour survivre face au danger, au travers de l’idéal viril, l’humain les a également érigés en caractéristiques désirables. Nous avons fait de la force un caractère sexuel secondaire masculin et de la domination et la violence des parades nuptiales masculines. C’est sans doute l’une des plus grandes erreurs de l’humanité qui a elle-même construit son propre piège. On constate donc clairement l’aspect absurde et destructeur de l’idéal viril.

Les hommes étant à la fois exposés aux injonctions viriles et grandissant dans un environnement violent développent donc une véritable vénération de la force mais plus encore une intolérance totale à la faiblesse et la frustration. Malheureusement très banales, la rencontre de ces deux circonstances constitue le cocktail explosif à l’origine de la violence dans nos sociétés.

Conclusion 

Enfin, il est important de dire que les hommes ne sont pas les uniques responsables : toute personne qui adhère et véhicule l’idéal viril participe à son hégémonie. Toutes les femmes valorisant, chez les hommes et leur conjoint, les capacités de force et de domination sont également responsables de l’omniprésence de l’idéal viril et de la valeur de force. Les hommes en sont uniquement les dépositaires, c’est à eux que l’on demande d’être fort pour protéger femmes et enfants.

D’une certaine manière, les hommes violents sont les premiers prisonniers, qui comme des animaux pris au piège se débattent avec rage, détruisant ce qui les entourent. Il ne faut donc pas diviser les camps et créer une guerre des sexes. Tout le monde est prisonnier des mêmes mécanismes psychologiques conduisant à une inertie anachronique des valeurs de genre.

D’autant plus qu’en dévalorisant la faiblesse, cette valorisation de la force est également un pilier de l’infériorisation du féminin et des hommes en dehors des normes viriles. Le plus fondamental n’est pas de prouver que les femmes sont aussi fortes que les hommes mais de prouver que la sollicitude vaut de nos jours plus que la force, et que la fragilité est inévitable et ne doit pas être méprisée. Cela constituerait un renversement des valeurs qui, non seulement libérerait les femmes, mais aussi les hommes d’eux-mêmes.

Pour y parvenir, il semble indispensable que les hommes sensibilisés se mobilisent activement afin de revendiquer haut et fort qu’ils assument leurs faiblesses et qu’ils se désolidarisent de l’idéal viril. En parallèle, il semble nécessaire que les femmes fassent entendre qu’elles n’attendent pas des hommes qu’ils soient fort mais bienveillants, doux, empathiques et qu’ils assument leurs vulnérabilités. Ainsi, un nouveau modèle de masculinité centré sur « le prendre soin » pourra devenir socialement désirable pour les hommes comme pour les femmes.

Schéma explicatif

Voici un schéma détaillé du cercle vicieux de la violence et de ses liens avec la valorisation de la force. On y constate l’aspect autoréalisateur des discours sociaux prônant la méfiance et la force.  Le cercle bleu représente ce qui est interne au sujet, et le jaune ce qui lui est externe. Les différents liens sont expliqués en détail dans mon mémoire complet.

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2 réponses à « La virilité : un piège destructeur pour l’humanité »

  1. Très intéressant, même pour une random comme moi (personne sans formation psy)

    Vous êtes très pertinent et vous donnez de très bonnes pistes allant dans le sens d’une réconciliation entre les genres.

    Néanmoins suis-je toxique si en temps que femme je valorise la force physique chez mon conjoint, fils par exemple (sans toutefois l’ériger au rang de caractères sexuels secondaires et coincer l’homme dans un rôle d’homme – robot sans peurs, sans faiblesses ni sentiments? )

    À côté je valorise également les qualités morales de l’homme (écoute, douceur, bienveillance, mansuétude…) et normalise ses sentiments (tristesse peur,
    decouragement).

    Votre article m’a fait douter sur moi-même (et c’est une très bonne chose) mais du coup, je ne dis que sans le vouloir je participe peut être à un phénomène que je déteste?

    Aimé par 1 personne

    1. Merci beaucoup pour votre retour très intéressant et motivant ! 🙂

      Nous sommes forcément imprégnés par les normes de genre dans lesquelles nous avons grandi. Il est donc inévitable d’avoir des croyances, des désirs ou des attirances liés à ces normes et leurs aspects toxiques. Cependant, nous pouvons en prendre conscience et travailler dessus comme vous le faite.

      Dans votre exemple il m’est difficile de vous répondre. Cela dépend également des raisons pour lesquelles vous valoriser la force physique et de votre discours global (par exemple est ce que vous valorisez tout autant la force physique chez une femme)

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